publié le 21/12/2025 Par Ariane Denoyel
Antidépresseurs et paracétamol sont-ils nocifs pour l'enfant à naître ? Les récentes polémiques déclenchées par l'administration étasunienne relancent la question des médications pendant la grossesse et de leurs éventuels dangers. Plusieurs études indiquent que la grande majorité des femmes enceintes consomme des médicaments (1). Notamment, pour la moitié d'entre elles, du Spasfon, que Prescrire juge inutile et possiblement dangereux. Les données sur l'innocuité de ces molécules sont largement insuffisantes. Pourtant, le débat scientifique reste verrouillé : sous prétexte de préserver la sérénité des femmes, on garde le silence sur certains risques réels encourus.
« Les campagnes de l'ANSM sur les consommations à risque pendant la grossesse sont trop molles ; on devrait, comme pour les accidents de la route ou le tabac, montrer des victimes », assène Marine Martin, lanceuse d'alerte au sujet des risques liés à l'exposition in utero aux anticonvulsivants (médicaments contre l'épilepsie). « On a besoin d'un changement sociétal du regard sur la grossesse, de marteler que quand c'est possible, il faut éviter absolument d'administrer ou d'absorber tout produit qui pourrait être toxique, médicament, alcool, tabac, etc. ».

En 2011, Marine Martin a suspecté qu'il existait sans doute un lien entre le traitement qu'elle prenait pendant sa grossesse, du valproate de sodium (vendu sous plusieurs noms commerciaux, dont Dépakine) et les handicaps dont souffrent ses deux enfants. Elle a attaqué le fabricant, Sanofi, en justice, et obtenu en 2024, à l'issue de douze années d'un combat acharné, la condamnation du géant français pour « défaut d'information » concernant les risques de malformations et de troubles neurodéveloppementaux liés à la Dépakine.
Marine Martin a créé une association pour rassembler les victimes, l'APESAC. Entre 2 000 et 4 000 enfants seraient victimes de malformations liées au valproate, selon l'ANSM, et jusqu'à 30 000 souffriraient de troubles neurodéveloppementaux. Les anticonvulsivants sont désormais pleinement reconnus comme tératogènes (c'est-à-dire susceptibles de provoquer des malformations chez l'embryon lors de son développement in utero), et doivent porter un pictogramme depuis mars 2017 : une femme enceinte figurant dans un sens interdit avec la mention « Dépakine (ou autre nom commercial) + grossesse = interdit »).